Théâtre : « Hèrèmankono », le miroir de la société ivoirienne

« Hèrèmankono » une pièce qui charrie le rire et la critique au confluent du langage philosophique et du parler populaire et argotique ivoirien.



« Hèrèmankon », en attendant le bonheur…, dernière création théâtrale du Palais de la Culture d’Abidjan a été présentée en grande première le vendredi 20 juin dernier à la salle Kodjo Ebouclé dudit Palais.

Une cour commune avec quatre chambres à coucher dans un faubourg appelé Poorcity. Séry Sostène, un haut diplômé sans emploi, mis sur la touche pour son enseignement « politiquement incorrecte », seul africain à avoir compris toute la philosophie de Nietzsche; sa compagne Mme Séry Marie- Marthe ayant interrompue ses études à la classe de 4ème. Un vieux boy cuisinier Tenga Jean, qui a passé une trentaine d’années dans les fours de Monsieur Kassareti son patron italien, son épouse Mme Tenga Thérèsse vendeuse d’éponge en filet de pêche. Kassy Prosper, cadre de banque abusivement remercié et Mme Kassy Josephine institutrice et également tenancière d’un petit commerce de riz local. Mamadou Soungalo, un polygame ruiné se faisant passé pour un chef de service auprès de Maïmouna Diaby l’une de ses quatre concubines âgée de 16 ans vendeuse de gingembre. Tous attendent le bonheur dans cette cour parce que « après la pluie c’est le bon temps » dixit Kassy Prosper. « N’attendons plus que le bonheur tombe à nos pieds comme un fruit mûr ». D’où le nom de « Hèrémankono » attribué à cette cour ; « Hèrèmankono » un terme malinké qui signifie en attendant le bonheur.
Le tout forme une comédie qui charrie le rire et la critique des réalités et met à nu la société sous ses multiples facettes et sous le poids de ses problèmes : emprise et mercantilisme des superpuissances et des multinationales sur le reste du monde, mal- gouvernance et maux du sous développement, manipulation de l’information, mariage précoce, pauvreté…Un miroir de la société. Un parfait miroir de la société avec Youssouf le propriétaire de la cour, les vendeurs ambulants que sont Diallo et Blaise, le chrétien zélé Isidore, l’agent recenseur Pierre et le simple d’esprit Diogène qui viennent troubler la quiétude des habitants de Hèrèmankono pour loyers et marchandises impayés mais également leur apporter de l’espoir. Une rumeur, « il » sous entendu le bonheur, doit arriver. Cette rumeur bat son plein à Poorcity singulièrement à « Hèrèmankono » et donne lieu à de multiples projets dans un vocabulaire à la fois soutenu du philosophe sans emploi spécialiste de Nietzsche et propre à l’argot ou au « nouchi » ivoirien.
Cette comédie populaire de Diégou Bailly, journaliste, président du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) plonge le spectateur au cœur des réalités ivoiriennes faites de commérages, de ragots, de rumeurs, d’étalage de vies privées dont raffolent la population. Une cour commune où on se chamaille en sachant qu’on a une vie commune, un destin commun, où on ne fait que parler de l’autre dans un langage à l’ivoirien tout en faisant succomber le spectateur de rires et en lui permettant également de prendre conscience de certaines réalités sans toutefois oublier de rêver d’un bonheur on ne peut plus proche.
« Hèrèmankono », dans les rôles Beugré Djep (Séry Sosthène), Gbessi Adji (Kassy Prosper), Bahie Bahie (Tenga Jean), Kouakou Lezin Olivier (Mamadou Soungalo), Gabou Laure (Mme Séry Marie-Marthe), Pango Cécile (Mme Kassy Joséphine), Ephey Béatrice (Mme Tenga Thérèse), Kouadio Alida (Maïmouna Diaby), Beblo Gilles (Youssouf), Mike Danon (Diallo), Sy Savané Aboubacar (Diogène), Sidibé Moussa (Blaise et Isidore), Pocka Yann (Pierre), musique Mike Danon, décor Oussou Justin, son Kouassi Narcisse, Lumière Sery Franck, mis en scène par Sidiki Bakaba et produit par Ayala Bakaba est une pièce à l’affiche au Palais de la culture pour la saison 2008-2009.

Francis Yedan